Article par Camille Judet-Chéret publié dans Grand Prix magazine début 2017
Jessica von Bredow Werndl, cavalière allemande réputée sur le circuit Coupe du Monde pour son élégance en selle et la discrétion de ses aides, a accepté de partager avec Grand Prix Magazine quelques conseils exclusifs sur la position et l’utilisation des jambes en dressage.
« Dans la position idéale, les épaules, les hanches et les pieds du cavalier sont alignés », souligne Jessica. « Ne serrez pas exagérément vos genoux mais maintenez les suffisamment au contact de la selle pour qu’on ne puisse pas voir le jour ». Première impression donnée au spectateur et en particulier au juge, la position mérite d’être constamment peaufinée, affinée et allégée en parallèle de l’évolution technique du cavalier.
En progressant, ce dernier mène son autocritique et redouble d’exigence quant à l’emploi et la finesse de ses aides. « Pour gagner en stabilité, le cavalier doit prendre conscience de son corps et apprendre à le neutraliser. Ce ‘self-control’ sera facilité si sa forme physique est convenable en terme de musculature et de poids. Personnellement, le yoga et les étirements m’ont aidée à mieux ressentir mes mouvements puis à les canaliser ».
Le cavalier doit assurer la stabilité de ses membres inférieurs tout en garantissant leur déplacement à souhait. « Pour chaque figure, l’action de jambe est sensiblement différente », insiste la germanique. Selon la réaction escomptée et l’exercice demandé, la puissance et la place des jambes doivent être adaptées.
A chaque cheval correspond une large gamme d’interventions graduelles synonymes d’impulsion. Au cavalier de mener les expériences nécessaires permettant de découvrir les aides les plus intelligibles pour son partenaire.
Par exemple, si un discret souffle du mollet devrait suffire, il sera secondé d’une action plus brève et électrisante du talon si la réaction vers l’avant manque de franchise. Alors qu’un ‘tac tac’ double avec le bas de la jambe devrait réveiller votre cheval, sollicitant l’activité de ses postérieurs, une pression de quelques secondes tend plutôt à favoriser un regain d’amplitude. Une cheville souple permet de pivoter imperceptiblement la pointe de pied vers l’extérieur afin de produire une action propulsive moins besogneuse et donc plus convaincante.
« A priori, lorsque je n’utilise pas mes jambes ou que mon cheval est en ligne droite, mes pieds sont parallèles », décrit Jessica. Un triangle se forme entre le bassin et les deux pieds, la charge étant répartie équitablement des deux côtés. « Cependant, dans certains exercices comme notamment la pirouette, mes jambes vont se désolidariser l’une de l’autre - l’une avancée, l’autre reculée».
Alors qu’un départ au trot nécessite l’intervention des deux jambes à la sangle, le départ au galop exige le déplacement de la jambe externe vers l’arrière et l’action simultanée de la jambe interne à la sangle. Le plat de la cuisse doit être au contact de la selle et la hanche libre dans l’optique d’agir profitablement d’avant en arrière et en toute indépendance.
Grâce à l’appui sur les étriers, le cavalier est capable d’atténuer ou au contraire d’accroître le poids mis dans le siège de la selle en fonction des manifestations du cheval. « Des étriers trop longs empêchent la descente des talons. Le bassin ne fonctionne plus librement et le mouvement des hanches n’épouse plus celui du cheval. Si les étrivières doivent être suffisamment longues pour que les jambes soient descendues et la position élégante, il faut éviter tout excès puisque cela risquerait de bloquer l’assiette. Personnellement, j’ai raccourci mes étriers il y a quelques mois. J’ai l’impression d’être bien mieux assise et d’avoir gagné en flexibilité ».
Des étriers trop longs risquent de diminuer la tonicité du cavalier dont la ceinture abdominale n’est plus suffisamment gainée. Sans appui, l’action de jambe sera moins énergisante. « Monter sans étriers peut aider à vraiment s’asseoir dans la selle, au contact du cheval, plutôt que d’être debout sur les étriers. C’est aussi un moyen de réellement sentir son corps fonctionner à cheval », admet Jessica.
Attention, sans étriers et surtout sans encadrement, le cavalier risque de s’accrocher avec le bas de ses jambes, dégradant l’intégralité de sa position et ‘étouffant’ son cheval. Pour limiter les efforts abdominaux et malgré tout se tenir au trot assis, les talons auront tendance à se remonter, agissant de manière excessive comme accélérateur. L’exercice perdrait alors tout son intérêt et pourrait même devenir nocif.
Contrairement au réflexe instinctif, les grands cavaliers - Charlotte Dujardin en tête - s’accordent à dire qu’il faut maintenir les jambes au contact sur un cheval chaud et à l’inverse ne pas solliciter excessivement un cheval froid.
« Bien sur, on ne va pas immédiatement mettre les jambes sur un cheval chaud mais au fur et à mesure de la séance, l’objectif va être de le rassurer en maintenant une légère pression. Un cheval froid va sans aucun doute devenir encore plus lymphatique si le cavalier le pousse continuellement avec ses jambes. Il n’y a aucune raison pour qu’il avance de lui même puisque le cavalier fait tout le boulot à sa place ! », s’amuse Jessica.
Le cavalier doit tâcher de compenser la tendance naturelle de son cheval dans l’optique de normaliser ses réactions. Un cheval électrique doit petit à petit accepter la présence des jambes. Il autorisera ainsi le cavalier à appliquer ses aides avec exactitude et sans appréhension à l’abord d’un exercice ou d’une transition. En appliquant ses jambes jusqu’à l’obtention d’une réaction sereine, il repoussera la menace d’un cheval désobéissant à chaque intervention.
Au contraire, un cheval froid doit apprendre à produire de l’énergie de lui même. Il encouragera alors à son cavalier vers d’avantage de relaxation et l’autorisera à porter son énergie sur autre chose que la simple marche avant.
Pour ce faire, toute action de jambe doit être ponctuelle et précise quitte à être dupliquée voire accentuée. L’exigence d’une répercussion prompte est cruciale. Si le cavalier tolère un effet différé ou dilué, le cheval risque de ne pas maintenir son niveau d’écoute.
« Les jambes ne doivent intervenir que pour obtenir une réponse vers l’avant et se relâcher instantanément par la suite. Sans réaction de la part du cheval, le cavalier peut redemander un peu plus fort. Face à un comportement positif, la récompense doit être proportionnelle et immédiate. C’est très important », signale Jessica. « N’oubliez pas de féliciter votre cheval avec la voix et de le caresser lorsque vous êtes satisfait».
Même si votre demande parait anodine, n’estimez jamais l’attitude volontaire de votre cheval comme allant de soi. Vos encouragements et félicitations ne seront jamais de trop.
Le mouvement vers l’avant n’est pas seulement le résultat d’une action de jambe efficace, c’est également l’oeuvre d’une main concordante. Au dicton avéré « mains sans jambes et jambes sans mains » de François Baucher, l’allemande apporterait néanmoins cette nuance : « le maintien d’un contact franc avec la main peut se révéler utile en complément de l’action de jambe dans le cas d’un cheval trop léger. Ce soutien peut l’inciter vers une connexion plus stable et moelleuse. Il ne faut certainement pas retenir avec la main au moment de fermer les jambes mais plutôt entrouvrir plus ou moins la porte en même temps que l’on pousse le cheval vers l’avant. L’impulsion donnée portera alors pleinement ses fruits », assure Jessica.
De la même manière, mains et jambes ne pourront être opposées dans les transitions descendantes. Lorsqu’il a l’intention de freiner, le cavalier doit impérativement écarter ses mollets et talons tout en affirmant le contact des genoux et des cuisses pour changer ou diminuer l’allure. Si mains et jambes peuvent opérer de manière rapprochée mais non simultanée, le cavalier limite les risques de contradiction augmentant ainsi les chances de bonne interprétation des aides par le cheval.