Le choix d’un jeune cheval est un moment important dans la vie du cavalier, qu’il soit amateur ou professionnel. Le bon cheval, c’est celui qui sera le mieux adapté à son cavalier à un moment donné dans le temps. Pour ne pas se tromper, il faut avant tout accepter de se connaitre soi-même.
Michael Eilberg, membre de l’équipe britannique championne du Monde à Caen en 2014, partage ses impressions avec Grand Prix Magazine.
Choisir un nouveau cheval est enthousiasmant mais c’est aussi une source d’angoisses et d’incertitudes. Alors que la démarche d’achat devrait être une source de plaisir, elle se transforme souvent en réel casse-tête : quel âge, quelle taille, quel niveau, quel potentiel ? «Le bon cheval ? C’est celui qui a quatre jambes et une queue !» nous lance en plaisantant Michael Eilberg.
Côté jeunes chevaux, ce cavalier de 28 ans a jusqu’ici été plutôt chanceux. Avec Woodlander Farouche, le britannique a remporté le championnat du Monde des cinq puis des six ans en 2011 et 2012 à Verden. «J’ai eu la chance de monter Farouche depuis ses trois ans, de participer à deux reprises aux championnats du Monde et de poursuivre aujourd’hui en Saint Georges». Parallèlement à ses succès avec Farouche, Eilberg a défendu les couleurs de l’Union Jack en 2013 aux championnats d’Europe d’Herning (Denmark) pour remporter en selle sur Half Moon Dephi la médaille de bronze par équipe.
Riche de ces expériences, le fils de l’allemand Ferdi Eilberg affirme qu’il n’y a pas un seul type de bons chevaux. «Tous les chevaux sont différents, l’important est de trouver celui qui va le mieux convenir au cavalier. Il y a beaucoup de bons chevaux, des juments, des hongres, des entiers, des grands, des petits... Il faut choisir selon ses affinités et bien sur essayer de remplir un maximum des critères fixés dans un budget donné. Il ne faut pas forcément chercher à avoir le meilleur cheval qui malgré son talent et ses allures fantastiques ne sera peut pas être adapté au niveau du cavalier».
Le cavalier va idéalement choisir un joli cheval, avec un bon modèle, trois allures correctes et un caractère coopératif. Mais avant de regarder le cheval, le cavalier doit se regarder lui même. «Quel genre de cavalier suis-je ? Quel est objectivement mon niveau ? Quel type de cheval puis-je réellement gérer ?». Bien sur, on peut légitimement espérer satisfaire ses ambitions personnelles mais il faut avant tout être réaliste, ne pas se mettre en danger et choisir le cheval le mieux adapté. «Il est judicieux de faire appel à une personne plus connaisseuse qui pourra se servir de son expertise et de son expérience pour donner un avis constructif.
D’autre part, plus on détient d’éléments sur le cheval, sur son parcours, sur ses expériences passées et mieux on connait l’endroit d’où il vient, plus le choix devient aisé». Eilberg estime qu’il ne faut jamais avoir d’à priori sur les chevaux. «Même si j’ai comme tout le monde quelques idées sur la génétique et des préférences pour certaines origines, je n’ai aucune certitude et ne tirerai jamais de conclusion hâtive avant d’avoir vu et essayé un cheval».
Les épreuves jeunes chevaux ont été conçues pour préparer progressivement le cheval au haut niveau et assurer la bonne évolution de son entraînement. En Grande Bretagne, le circuit jeunes chevaux ne propose que l’équivalent de notre Cycle Classique, il n’existe pas de version anglaise du cycle libre. «Dans l’idéal, un jeune cheval devrait être prêt pour l’épreuve qui correspond à son âge. Cependant, il n’y a pas de règles et il ne faut pas forcer un cheval dans son travail. En prenant son temps, il faut tendre vers cet objectif. Si le cheval poursuit cette évolution, le cavalier doit pouvoir à six ans avoir une idée de son potentiel».
En observant les meilleurs jeunes chevaux du monde, le spectateur est souvent frappé par l’extravagance du mouvement. Néanmoins, Eilberg en appelle à la prudence face à de trop grandes allures. «Le Grand Prix, c’est essentiellement l’aptitude à se rassembler. Il ne suffit pas d’avoir un cheval avec des allures époustouflantes. Cela a été la force de Farouche». Eilberg admet que les juges sont confrontés à une évaluation difficile entre les chevaux «normaux» qui présentent un travail de grande qualité et une bonne aptitude au rassembler et les «extraterrestres» avec des allures très «flashy» qui bénéficie du «waou factor». «Farouche a mis tout le monde d’accord. Elle faisait partie de ces deux groupes à la fois : ses allongements sont spectaculaires mais elle présente aussi beaucoup de facilité pour se rassembler».
Être performant dans les épreuves jeunes chevaux est une chose mais il faut également penser à l’avenir de son cheval et savoir le préserver, en particulier lorsqu’il fait preuve de talent et de générosité. «Il ne faut pas pousser un jeune cheval au delà de ses limites, il faut prendre son temps, ne jamais être trop gourmand». Avant de monter en dressage, Michael Eilberg était cavalier d’obstacle. Il estime qu’il tire aujourd’hui profit de cette expérience, notamment dans le travail des jeunes chevaux qu’il peut diversifier. «D’abord, je n’ai pas peur et on peut me faire monter sur à peu près n’importe quel cheval. Ensuite, j’aime faire sauter tous mes jeunes chevaux, même si certains ne sont pas très doués sur les barres ! C’est un jeu, un peu comme de les emmener galoper en forêt. Je pense que le CSO m’a apporté plus d’équilibre en tant que cavalier, peut être plus de feeling aussi. Il ne s’agit pas que d’avoir une jolie position, il faut aussi apprendre à sentir les choses».
Si Michael estime avoir beaucoup appris de ses années en tant que cavalier d’obstacle, il reconnait avoir également bénéficié du jumelage jeunes chevaux et Grand Prix. «C’est extrêmement complémentaire et cela fait de moi un cavalier meilleur. Les jeunes chevaux m’enrichissent, ils améliorent mon travail sur les chevaux plus âgés et vice versa».
Il est plus facile de juger les allures d’un jeune cheval que de détecter son potentiel et son aptitude au rassembler. La question du piaffer va devoir être évoquée en particulier depuis que ce mouvement propre au Grand Prix compte un coefficient 2.
«S’il est impossible de généraliser au sujet du piaffer parce que chaque cheval est un cas particulier, j’ai une croyance personnelle : on sent plus qu’on ne voit si un cheval aura les capacités nécessaires au piaffer. Je dois m'asseoir sur le cheval pour me faire un opinion. Un autre cavalier tirera peut être des conclusions différentes des miennes sur le même cheval, mais il faut avant tout avoir le sentiment du piaffer. Avant même de demander du réel piaffer au cheval, je vais ressentir quelle est sa réaction naturelle en situation de stress, si le cheval est nerveux devant un élément inconnu, dans un contexte nouveau. Je vais sentir comment le cheval bouge sous moi. Je dirai que l’on commence à travailler le piaffer vers six ou sept ans. Généralement, nous commençons ce travail à pied puis en main avec un cavalier sur le dos. Lorsque cela se précise, alors on travaille le piaffer monté».
La préparation aux mouvements du Grand Prix peut parfois rendre les chevaux un peu nerveux car ils abordent des exercices nouveaux. Par conséquent, le planning doit être adapté pour que les chevaux aient des phases d’apprentissage qui soient suffisamment éloignées de la compétition au niveau inférieur pour limiter la confusion.
«J’ai arrêté les changements de pied au temps avec Farouche juste avant le CDI3* de Barcelone mi mars. Elle a gagné le Saint Georges et la Kür Inter I sans une seule difficulté dans les lignes. Après le concours, elle a repris cet exercice du Grand Prix avec beaucoup de facilité».
Dans l’approche du piaffer comme dans le reste de l’apprentissage, le tout est de toujours rester attentif au cheval, de l’inciter sans le contraindre, de le préparer aux exercices sans abuser des exercices eux mêmes. «Nous sommes très attentifs au travail de base, à la rectitude, au contact», explique Eilberg.
Depuis quelques années, les britanniques impressionnent par la qualité de leur méthode, par leur capacité à faire de tous les chevaux, même des chevaux «normaux», des chefs d’oeuvre grâce à un entrainement rigoureux, précis et juste. «Je pense que nous avons eu beaucoup de chevaux communs et nous avons appris à en tirer le meilleur. Mon père Ferdi a fait beaucoup pour le dressage ici en Angleterre et je lui dois ce que je connais aujourd’hui. J’aime notre philosophie qui est toujours très respectueuse des chevaux et qui privilégie la gymnastique et les bases fondamentales plutôt que les exercices. C’est certainement ce qui fait notre force».
En 2015, Michael Eilberg devrait faire ses débuts en Grand Prix avec la demi soeur de sa jument de tête Half Moon Delphi et avec un Fürst Heinrich, demi frère de Farouche. A Barcelone, il a déjà remporté le Medium Tour avec la mère de Farouche. Des histoires de famille prometteuses...
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