J'ai eu le privilège ce week-end de juger le World Dressage Masters de Wellington en Floride. Tout a déjà été écrit dans la presse spécialisée et vous avez pu lire de fidèles reportages tant sur Dressage-direct que sur Eurodressage. L'enthousiasme du public, le nombre de spectateurs, la qualité des prestations, l'atmosphère électrique, tout concourrait à créer une soirée très spéciale. Mais a cette description, je souhaite apporter une petite touche personnelle ! Quand on a le privilège d'être l'un des 5 membres du jury d'un tel événement, il est un moment très spécial qui précède l'ouverture de l'épreuve. Les tribunes se remplissent, le niveau sonore augmente progressivement, la tension devient palpable au sein du groupe des organisateurs. Les juges, en général regroupés autour d' un léger repas,sont un peu a l'écart. Une sorte d'intimité, de fraternité les unit dans ce moment très spécial ou l'air est un peu plus lourd.
Juger une telle épreuve est différent de tout le reste. L'appréciation de la partie artistique est, nous le savons tous, le point ou les avis peuvent diverger facilement. L'unité du groupe, sa cohésion, voire sa cohérence même, et nous le savons, risquent alors d'être fortement remis en question. Nous acceptons ce risque et sommes, tous et chacun, prêts a assumer des points de vue divergents mais nous préférons tous un jugement homogène qui reflète un point de vue semblable. A cette tension palpable, contenue en ce qui concerne les membres du jury, suit un instant très bref mais intense qui est l'entrée dans "l'arène." La distance qui nous sépare de notre petit havre VIP et le terrain nous voit happés par des connaissances ou des proches qui veulent nous dire un petit mot d'encouragement ou juste montrer qu'ils connaissent certains acteurs du spectacle...
Dernières vérifications pour tout le monde. Les spectateurs sont en place, le bruit de fond à son comble, nous sommes, nous les juges, les acteurs presque invisibles, troisièmes rôles que seuls,les experts connaissent mais nous sommes ceux qui seront conspués si notre avis diverge de celui du public !
Chacun s'installe à sa place.
De façon étonnante dans les quelques minutes qui suivent, s'installe un grand calme. Je n'entends plus le bruit environnant. Nous ne sommes plus que nous trois, une nouvelle équipe, la secrétaire la comptable et moi. On est attentives les unes aux autres. Ma secrétaire est aux petits soins. Je vérifie qu'elle va savoir s'adapter a mes petites habitudes dans le jugement des Kür. Je ne suis pas inquiète. Elle est avec moi depuis trois jours et elle est parfaite. La comptable est juge nationale. Elle connait bien le jeu elle aussi. Il faut donner les résultats vite mais sans précipitation. Je le lui rappelle. On ira à notre rythme. Un grand calme intérieur. Je n'oublie plus jamais un précepte inculqué il y longtemps par W.Niggli au début des reprises libres en musique: il faut savoir bien s'installer en reculant sa chaise de façon confortable comme au theatre et "que le spectacle commence!"